La Coutume de Soule

La Coutume de Soule est un document écrit en gascon béarnais et qui décrit la société et les institutions de la Soule au Moyen Age et même au-delà.

La mise par écrit de La Coutume de Soule fut demandée par lettres patentes du roi François 1er, du 5 mars 1520. Le 21 novembre 1520, elle était rédigée. La première publication a été imprimée en 1553.

1. La société :

  • A la tête du Pays de Soule se trouve le vicomte (plus tard capitaine-châtelain de Mauléon au nom du roi d'Angleterre ou de France), qui faisait serment au Pays de Soule de garder la coutume et défendre ses habitants. Il a les pouvoirs judiciaires, militaires et financiers.
  • On trouve ensuite, les barons et chevaliers qui sont les vassaux du vicomte. Les barons anciens, seigneurs de Tardets, de Haux et Domezain ont un droit de préséance à la cour de Licharre.
  • Puis viennent les 10 potestats : les seigneurs du domec de Lacarry, de Bimein de Domezain, du domec de Sibas, d'Olhaïby, du domec d'Ossas, d'Amilchagun d'Etcharry, de Gentein, de la Salle de Charritte, d'Espès et du domec de Chéraute. En compensation des services rendus, les 10 potestats jouissent, sur les terres communes, de droits de pacage plus vastes pour la "paissance" de leur bétail.
  • Viennent ensuite les 46 gentilshommes dont un de Montory. Ces gentilshommes, bien que portant le nom d'un village, ne possèdent qu'un domaine (exploité par des paysans, fivatiers ou botoys) et habitent dans une maison noble appelée domec (pour la plus importante) ou salle (pour les autres). Parmi les gentilshommes, on distingue les chevaliers (cavers) servant le seigneur à la guerre et les domengers propriétaires d'un domaine. Potestats et gentilhommes sont égaux en qualité et en rang.
  • Les francs ou libres, les plus nombreux, sont les possesseurs ou maîtres d'une maison franche ne payant aucune redevance sauf un don volontaire au roi.
  • En bas de l'échelle sociale, on trouve les fivatiers (qui paient des charges annuelles aux nobles ou francs dont ils ont en affièvement maison et terres) et les botoys (qui peuvent être propriétaires de leur maison mais non des terres et doivent des devoirs à leur seigneur).

2. L'organisation administrative :

La Soule est divisée en 3 messageries :

  • La messagerie de Haute-Soule (Basaburua) comprend 19 paroisses. Cette messagerie est divisée en 2 dégairies ou vics : le val dextre (ibar esker) et le val senestre (ibar eskuin). Chaque dégairie a un chef, le degan. Chaque messagerie a un chef, le messager. La base administrative est la paroisse dont les membres se réunissent pour débattre des intérêts communs ; dans chaque paroisse, un chef assure la liaison entre les paroissiens et l'autorité supérieure.
  • La messagerie des Arbailles comprenant de 18 paroisses est divisée en 2 dégairies : la Grande Arbaille et la Petite Arbaille.
  • La messagerie de Basse-Soule (Pettara) comprenant 27 paroisses est divisée en 3 dégairies : celles d'Aroue, de Domezain et de Laruns.

L'ordre hiérarchique d'autorité est donc le suivant : le vicomte, le messager, le degan, le chef de paroisse et les paroissiens.

La ville royale de Mauléon et les bourgs royaux de Barcus, Haux, Larrau, Montory, Ste-Engrâce et Villeneuve de Tardets ont une administration particulière.

3. Quelques usages et droits :

  • Par la Coutume observée et gardée de toute antiquité, tous les natifs et habitants de la terre de (Soule) sont libres et de franche condition, sans tache de servitude. Personne de peut lever aucune troupe de gens demeurant dans ladite terre. Personne non plus ne peut exiger de droit du fait de la personne et du corps desdits manants et habitants et d’aucun d’entre eux.
  • Les habitants de Soule, du fait qu’ils sont situés à l’extrémité du Royaume, entourés et enfermés par les Royaume de Navarre et d’Aragon et le pays de Béarn ont le droit de porter leurs armes en tout temps pour leur défense et celle dudit pays. Et tout ledit pays de Soule comporte de toute antiquité 800 feux taillables, sans plus.
  • Le châtelain ou capitaine de Mauléon représentant du Roi, assisté des potestats et des gentilshommes possesseurs dudit pays de Soule, est le premier à connaître de toutes les affaires et actions criminelles et civiles, tant entre les habitants dudit pays que concernant les étrangers, en temps que juge ordinaire. Il est assisté desdits potestats et des gentilshommes détenteurs de terres qui sont juges en fonction à la cour de Licharre. Les jugements sont rendus à la majorité des voix…
  • Et ledit chatelain ou capitaine représentant du roi ou son lieutenant doit faire serment par devant ledit pays de garder et observer, faire garder et observer les fors et coutumes dudit pays, de rendre la justice équitablement sans partialité ni acception de personne; de garder et défendre les manants et habitants du pays et chacun d’eux en particulier de tout tort et violences qui pourraient provenir d’eux-mêmes ou de tout autre et d’accomplir cela de tout son loyal savoir et pouvoir.
  • Les Messagers, quand ils en sont requis par le Seigneur, chacun dans sa messagerie, doivent convoquer les trois Etats à la Cour d'Orde dudit pays, tant pour délibérer des affaires du Roi que de celles dudit pays. Les Messagers doivent convoquer les nobles et les Degans. Les Degans doivent convoquer les responsables de village, chacun dans sa dégairie. Les responsables de village doivent convoquer les paroissiens de la paroisse dont ils sont responsables au son du tocsin d'Orde. C'est pour cela que cette assemblée s'appelle Cour d'Orde. (orda = tocsin en basque)

4. Le document, La Coutume de Soule, comprend 336 chapîtres groupés en 37 titres. Si le titre 1 contient 5 chapîtres, le titre 14 en contient 17, le titre 29 en contient 31 ... et le titre 37 en contient 3.

Voici, extraits de "La Coutume de Soule", des Editions IZPEGI, BP 08, Place de la mairie, 64430 St Etienne de Baïgorry, Tel 05 59 37 47 20, quelques chapîtres :

  • Il y a en tout sept vics en Soule. Val dextre et Val senestre en Haute Soule. Les dégaeries de Peyrède et d’Arbaille dans l’Arbaille. Les dégaeries de Laruns, Aroue et Domezain dans la Barhoue. Les gens de chaque dégairie doivent élire un degain dans leur vic le premier mois de chaque année.
  • Si le seigneur constate qu’un vic est sans degan, il doit percevoir une amende d’un bœuf d’une valeur de dix franc bordelais par journée où le vic demeure sans degan. L’amende est à la charge de la paroisse qui, cette année là, doit faire le degan. Et si, celui qui a été élu refuse d’accepter la charge sans motif légitime, c’est à lui de payer ledit bœuf à raison d’un par journée où le vic reste sans degan par sa faute.
  • Pour convoquer potestats et nobles jugeants aux sessions des cours ordinaires, pour assigner et convoquer aux cours qui concernent les droits du Roi et à la requête du procureur du Roi, pour convoquer aux jugements de partie à partie en matière foncière, pour assigner des témoins à ladite cour sur demande des ressortissants de sa messagerie, pour convoquer aux cours d’Orde traitant les affaires du Roi et dudit pays, et pour faire faire toute autre exécution ou exploit concernant le Roi, son domaine, ou l’ensemble dudit pays, les messagers prélèvent chacun dans son ressort, chaque année, sur chaque feu (à savoir les maisons comptant comme feux ruraux entiers payant la taille) une quartane de blé ou 6 ardits ; pour les demi feux la moitié d’une quartane ou 3 ardits ; pour les quart de feux le quart d’une quartane ou 3 jaques, au choix du payeur, sans autre salaire.
  • Le mari est admis à comparaitre en jugement, à la place de sa femme, sans procuration, sauf opposition de celle-ci.
  • Les fivatiers du Roi et des cavers ne doivent être vexés ni tracassés par le seigneur ou ses Officiers. Ils ne sont tenus de participer aux charrois et autres corvées que de leur libre consentement.
  • Chacun peut selon la coutume faire sur sa propre terre, moulin, défrichement, cabane et grange, à la condition expresse de ne pas porter préjudice au droit commun d’aller et venir et de ne pas causer de dommages à la communauté ou aux particuliers en gênant l’écoulement des eaux
  • Il est permis et licite à chacun de faire moudre son grain au moulin le plus proche de sa maison. Ni le seigneur, ni ses officiers ne doivent contraindre quiconque à faire moudre son grain au moulin du seigneur, à moins que ledit moulin ne soit aussi proche ou plus proche.
  • Le meunier ne peut prélever qu’une « pugnère » sur chaque conque de grain moulu.
  • Toutes les herbes, patures et glandées des « vacants » communs, eaux, peches, chasses de la terre de Soule sont communs et libres pour tous les ressortissants dudit pays. Et chacun peut y couper du bois de construction ou de chauffage, à moins qu’ils n’aient été affiévés par le Roi ou ses officiers : ce que ledit seigneur est en droit de faire.
  • Tous les terrains de chasse sont libres, sauf ceux qui sont spécifiés au Livre Censier et dont le gibier, si on en prend doit être donné au Château de Mauléon, comme il est spécifié audit livre Censier.
  • De même, chacun peut faire des défrichements et écobuages dans lesdits vacants communs (sauf où cela pourrait géner les allées et venues), semer et récolter toutes sortes de grains, à volonté, pendant quatre ans consécutifs. Passé cette période, on doit laisser lesdits terrains défrichés libres et ouverts au service commun. Celui qui occupe lesdits terrrains défrichés sur les vacants communs, au-delà de quatre ans, encourt la peine de trois amendes majeures envers le Roi, pour chaque année d’occupation indue. De plus, il est interdit de cloturer de haies vives lesdits terrains défrichés.
  • Il est permis et licite à tout ressortissant du pays de Soule de faire paitre son bétail, quel qu’il soit, dans les paturages, terre communes et landes vacantes dudit pays, en tout temps et toute saison. Même autorisation concernant les fougeraies particulières non closes et les champs situés à l’écart qui de toute ancienneté ont été francs. Il n’est permis ni de les cloturer, ni d’en interdire le droit de pature à quiconque. Cependant la fougère de ces fougeraies appartient au propriétaire de l’endroit, alors que le droit de pacage est commun et libre à toute personne dudit pays, et cela en vertu de la coutume.
  • Tout ressortissant de la terre de Soule peut chasser et prendre de autours et éperviers aux filets.
  • Du jour de St Barnabé Apotre qui est le onze juin inclus au jour de Septem Fractum inclusivement, tous les « ports » des montagnes dudit pays de Soule sont interdits et les propriétaires des cujalars peuvent saisir le bétail, chacun dans son cujalar (ou le faire saisir par un membre de sa famille) : une bête par troupeau de jour et deux de nuit, sauf en ce qui concerne le « port » d’Algaondoa appelé aussi d’Alzalegia. Auquel port, du jour de la Purification de N-D qui est le deux février, jusqu’à St Pierre-aux-liens qui est le premier aout, chacun peut faire paitre et héberger le bétail librement, de jour comme de nuit, moyennnement le paiement des droits de cujalars desdits « défens » aux propriétaires respectifs, ainsi qu’il est de coutume de toute antiquité.
  • Tout porc domestique doit porter au cou la barre qu’on appelle « taravèla » dans le langage du pays, de deux arrases de long et une arrase de haut. Si on tue un porc domestique portant la dite « taravèla » causant des déprédations dans un champ, de jour, on doit payer la valeur du porc fixé après estimations des experts.
  • Et si ledit porc est pris sans ladite barre et commettant des déprédations, le propriétaire lésé, son fermier, domestique ou commis, peut le tuer impunément
  • Qui s’empare d’autorité des juments d’autrui pour les faire travailler à battre le grain, la gerbe, le millet ou faire tout autre travail, ou les détient clandestinement enfermées, paye au propriétaire cinq sols morlans par tête et par jour : dommage et intérêts en plus.
  • Celui qui trouve un essaim d’abeilles dans la propriété d’autrui et le prend sera puni d’une amende à l’arbitrage du Juge et condamné à rendre l’essaim avec le produit.
  • Le premier-né émancipé (tel qu’il est défini ci-dessus) peut vendre ses biens non papouaux. Admis pour ce qui est des biens papouaux, il ne peut les vendre sans le consentement de son père et de sa mère.
  • Par « biens de lignage papouaux et avitins », la coutume entend ceux qui proviennent du grand-père, de la grand-mère, ou de plus haut, qu’ils soient meubles ou immeubles.
  • Selon la coutume, les possessions féodales tenues en fief ou arrière-fief (ou parties de celles-ci, dans les cas permis), peuvent être vendues, cédées, transportées, chargées ou aliénées de noble à non-noble. Elles peuvent donc être acquises, possédées et tenues par toute personne qu’elle soit noble ou non. Mais le non-noble ne peut avoir de juridiction ni de « faymidret » sur ce qu’il aura acquis d’un noble. Dans ce cas, ladite juridiction tombe aux mains du seigneur de Soule et à sa cour de Licharre.
  • Si des biens papouaux ont été légalement vendus, le plus proche parent du vendeur en ordre de succession peut les recouvrer dans un délai de quarante et un ans, moyennant de payer les justes coûts et dépens ainsi que les améliorations éventuelles selon l’appréciation des maitres experts, sauf si le bien vendu est un acquêt du vendeur ; dans ce cas, en effet, la coutume n’autorise pas le retrait lignager.
  • Celui qui loue sa maison ne peut mettre dehors le locataire avant que le terme du loyer ne soit échu.
  • Homme et femme qu’on appelle vulgairement « soult » et « soulte », unis par mariage, sont en communauté de biens tant pour ce que l’on apporte à l’autre en support de mariage, que pour les acquêts durant le mariage. Le mari a l’administration de ces biens et peut en disposer pour le profit commun, à son plaisir et volonté, sans demander le consentement de sa femme.
  • Le mari ne peut ni vendre ni aliéner les biens assignés au mariage sans le consentement de sa femme, ni la femme sans le consentement de son mari.
  • etc...